La Technique

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Les multiples usages de la paille

Facile et rapide à produire, la paille est une ressource abondante, peu coûteuse. Transformée par le biais de différentes techniques, on la retrouve dans l’architecture, le design, la mode et l’art… Dans toutes les régions du monde.

Qu’elle soit issue du blé, du seigle ou de l’avoine, naturellement brillante, imperméable et imputrescible, la paille se prête à de nombreux usages, depuis toujours : engrais, litière, isolation des murs et des sols, chapeaux et objets en paille tressée, chaises, toits de chaume… 

Du fait de sa grande disponibilité et de sa versatilité, la paille a gagné le surnom d’or du pauvre : il est vrai que d’apparence simple et brute, sa transformation par le savoir-faire des artisans lui confère une préciosité étonnante.

 

La marqueterie de paille

"La rencontre d'un matériau pauvre, la paille, et d'une technique exigeante, la marqueterie."
Lison De Caunes
La Marqueterie de Paille, éditions Vial, 2004

Cette phrase de Lison de Caunes, maître d’Art qui a littéralement sauvé la marqueterie de paille de l’oubli, résume parfaitement ce que je trouve le plus fascinant dans cet artisanat. Point de matières coûteuses, précieuses ou rares, et pourtant !

Je trouve la paille paradoxale : à la fois forte et fragile, brute et précieuse, abondante mais sublimée par des techniques qui ont failli disparaître.

La question des origines de la marqueterie de paille reste à ce jour sans réponse qui ferait consensus. Est-elle venue d’Asie ? Ou d’Italie ?

Une chose est sûre : elle est documentée à partir du 17e siècle. Avant cela, c’est plutôt la technique du tressage qui est rapportée dans divers écrits, au travers d’illustrations, ou avec des pièces qui ont pu traverser le temps. Une technique qui transcende d’ailleurs les frontières, et qu’on observe aussi bien en Europe que dans le reste du monde.

Le travail de la paille en aplats, pour ensuite lui appliquer les mêmes techniques que celles de la marqueterie de bois, s’est développé après le tressage. Mais il reste compliqué de dater ou d’estimer l’origine géographique des oeuvres en marqueterie de paille qui sont parvenues jusqu’à nous.

La technique de la marqueterie de paille a connu deux périodes critiques, où elle a failli disparaître : à la fin du 19e siècle, elle n’est quasiment plus utilisée. Redécouverte dans les années 1920 grâce à l’engouement de grands noms de l’Art Déco comme André Groult et Jean-Michel Franck, elle est à nouveau délaissée dans la deuxième moitié du 20e siècle. 

L’unique producteur français de paille de seigle destinée à la marqueterie a même failli cesser d’en produire. C’est Lison de Caunes – petite-fille d’André Groult – qui, dans les années 1980, a réussi à le convaincre de continuer sa production. En créant de nouveaux motifs et des pièces remarquables, elle a également remis la marqueterie de paille à la mode et dans les catalogues des décorateurs d’intérieur. 

Aujourd’hui, la marqueterie de paille est de plus en plus connue, bien qu’elle reste assez confidentielle pour le grand public.

Pour plus de précisions, je vous suggère ce reportage réalisé par Studyrama dans l’atelier de Lison de de Caunes

Un art de la lenteur

Pour transformer la paille en or, un ingrédient précieux est indispensable : le temps. 

En effet, le travail de la paille ne peut s’exécuter qu’à la main, et brin par brin. Or ceux-ci mesurent au mieux 2 cm de largeur une fois ouverts. Ce travail fastidieux était prisé des religieuses et des bagnards – ceux qui avaient le temps, en somme. L’autre avantage étant qu’elle nécessite peu d’outils : un plioir, une règle, un cutter ou scalpel, pinceau et colle, peuvent suffire à produire des marqueteries de paille.

Après la récolte, les brins de paille sont laissés à plat sur le champ afin qu’ils blanchissent. Ils sont ensuite triés à la main, puis colorés à l’aide de teintures textiles. Le procédé est restitué dans une magnifique vidéo présentée sur le site des Ateliers Lison de Caunes.

Le dernier producteur français, Jean-Luc Rodot, est installé en Saône et Loire. Il propose des dizaines de couleurs, chaque année renouvelées puisque chaque bain de teinture donnera des résultats différents – sans compter que certaines références de teinture disparaissent parfois, laissant à cette occasion le marqueteur imprévoyant orphelin de sa couleur préférée (c’est du vécu, avec un magnifique cuivré dont je n’ai pas pu faire de réserves suffisantes). 

Fibre végétale, vivante, la paille n’absorbe pas la couleur de manière uniforme, chaque brin présente d’ailleurs plusieurs nuances sur sa longueur. C’est aussi ce qui fait la richesse des reflets naturels de la paille : l’uni n’existe pas vraiment, et les marqueteries semblent changer de couleur selon l’heure de la journée et l’angle selon lequel on les observe.

La qualité de la paille varie également en fonction des années et des conditions météorologiques, elle sera plus ou moins grasse ou sèche, plus ou moins épaisse… et donc plus ou moins facile à manipuler.

Le travail du marqueteur commence par le tri des brins : ceux qui présentent des défauts sont écartés, certains sont trop fins, trop courts, ou bien se délitent lorsqu’on les écrase…

 

Les brins sélectionnés sont ensuite fendus dans leur longueur, avant d’être écrasés à l’aide d’un plioir, que l’on passe plusieurs fois sur chaque fétu afin d’en révéler sa brillance une fois parfaitement aplati.

 

On obtient alors des « rubans » de paille, et là commence l’utilisation de techniques similaires à la marqueterie de bois. Selon les motifs et les contraintes techniques, on peut parfois coller directement nos brins sur le support à recouvrir.

 

Les brins de paille n’étant pas d’un diamètre constant sur toute leur longueur, les « rubans » doivent souvent être « redressés » d’un coup de scalpel après leur collage, afin de maintenir l’orientation des fibres de la paille à un angle constant.

La technique du frisage

 

Souvent, il est nécessaire de suivre plusieurs étape et travailler à partir de « planches », ou « aplats » de paille, préalablement réalisés sur du papier. 

Ces feuilles sont ensuite mises sous presse le temps que la colle sèche. On obtient alors des feuilles de couleur, un peu comme des feuilles de placage de bois, qu’on va pouvoir découper au scalpel ou à l’aide d’une scie à chantourner, afin de réaliser des incrustations ou des motifs plus complexes avec les techniques de frisage.

 

Pour réaliser les marqueteries de mes bijoux, je travaille systématiquement sur papier, que je vais gratter après séchage pour ne conserver qu’une infime pellicule de papier. Ensuite, je vais venir plaquer la marqueterie sur les supports en laiton, plaqué Or ou Argent. 

Dans les photos ci-contre, les étapes de fabrication d’une paire de boucles d’oreilles en frisage.

S'initier à la marqueterie de paille

La marqueterie de paille possède ce charme d’être accessible assez facilement à tous, étant donné qu’elle nécessite peu d’outils – mais beaucoup de patience et de précision. On peut trouver le matériel nécessaire et de petits ballots de paille sur des sites de loisirs créatifs, ainsi que des tutoriels en vidéo sur Youtube. Les livres d’Anne-Marie Choain détaillent les techniques de travail de la paille, en allant des motifs les plus simples jusqu’aux frisages plus techniques.

Si vous souhaitez découvrir la marqueterie de paille et décorer vous-même un objet en bois, je vous propose des ateliers individuels ou en groupe, à Marseille, pour vous permettre d’acquérir rapidement les bons gestes. Je peux également me déplacer jusqu’à vous pour des ateliers de groupe dans des structures scolaires ou de loisirs, par exemple. 

Pour plus d’informations sur ces ateliers, envoyez-moi un message via le formulaire de contact, ou par mail à l’adresse contact@kounbetty.fr

Atelier collectif - marqueterie d'un miroir en motifs chevrons